Salaam ? C’est une question !
Un pays qui n’est plus en guerre serait-il nécessairement en paix ?
Salaam ? Là où les façades sont souvent criblées d’impacts de balles et d’obus, ou tant d’immeubles ont été éventrés par les bombes, vers où le photographe peut-il encore tourner son objectif ?
Quand un quartier banal, un bout de pont d’autoroute, porte le nom d’un massacre, que peut-on photographier encore de la vie grouillante et de sa beauté qui n’insulte les morts ni n’accable les survivants ?
Et dès lors que les drapeaux figurent des armes de guerre, que les visages de martyrs s’affichent sur les murs, comment dire que marcher dans la rue y est tout aussi banal que là où vous êtes ?
Salaam ? En paix le vendeur de chawarma qui range une kalachnikov sous son comptoir comme d’autres un paquet de cigarettes ?
Et que montrer des bulldozers et des promoteurs qui pourraient y faire, à leur tour, des manoeuvres au moins aussi efficaces que celle des milices pour séparer les différents camps, ou leur annexer de nouveaux territoires ?
Et ce ciel, si bleu, ne sera-t-il pas traversé encore, comme juste avant mon arrivée, par des bombardiers étrangers ? Ou la mer, si bleue elle aussi, si paisible, demain comme ce le fut aujourd’hui, le lieu de trafics d’armes empêchés par des arraisonnements belliqueux ?
Demain la guerre ? Ici ou dans la plaine, là bas, par delà la montagne ? Mais si près quand même !
Et surtout ce blindé en faction au coin de la rue, cette casemate et sa mitrailleuse, ces guerriers omniprésents, qui protègent-ils du retour de la violence ou ne seraient-ils pas là que pour la perpétuer ?
Salaam. C’est un fait !
Les enfants jouent et courent dans les souks.
Je parcours la rue. Un salut. Un sourire.
Mes photographies peuvent encore capter la vie, malgré ces éclats de mort qui la salissent.
Et l’œil se laisser intéresser par autre chose que l’obscénité de la violence.
Espérer peut-être. Vivre en tout cas !
Faire un pas de côté. Regarder l’aujourd’hui seulement.
Y découvrir beauté, élégance, pittoresque, modernité : vie encore, et complexité !
Se sentir bien !
Salaam ! Enfin, c’est un vœu !
Et s’il existe des photographes de guerre, y aurait-il quelque part enfin aussi place pour des photographes de paix ?
Charles Lemaire
Liban (nov 2009) / Belgique (avril 2010)
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